Roth traite ici des thèmes qui lui sont devenus familiers. À nouveau, le corps, la maladie, la
diminution physique, la mort. La poliomyélite, horrible maladie qu’on ne savait pas vaincre et qui
tuait les enfants ou les paralysait, sévit dans le quartier italien de Newark. Nous sommes en 1944,
c’est-à-dire en pleine guerre, alors que beaucoup de jeunes hommes sont sur le front, en Europe.
L’épidémie gagne le quartier juif et la psychose se répand. Les efforts pour enrayer la maladie sont
vains et les familles, affolées, en arrivent à prendre des précautions excessives, quand ce n’est pas à
rejeter l’étranger, celui qu’on va d’emblée soupçonner et exclure. Bucky Cantor, un professeur de
gymnastique, juif lui aussi, élevé, après que sa mère est morte et que son père a été arrêté pour vol,
par un grand-père rigoureux et hautement moral, est le héros de la communauté (il a repoussé à lui
seul une bande de voyous italiens venus « répandre la polio »).
La suite du roman retrace l’histoire malheureuse de cet homme scrupuleux, responsable, d’une
intelligence limitée, qui va prendre sur lui la responsabilité du mal. Si ce n’est pas un dieu ignoble
qui est l’auteur de ces crimes û le dieu qui a tué sa mère et lui a donné pour père un voleur û alors
c’est peut-être lui, Bucky Cantor, qui portait en germe, sans le savoir, la maladie et qui l’a répandue
autour de lui.