Pendant la guerre, quand son pays avait le plus besoin de lui - de son corps comme bouclier, de son doigt pressé sur la gâchette pour défendre les frontières, de sa santé mentale et de sa part d'humanité pour les offrir en sacrifice aux générations à venir, besoin de son sang, aussi, pour fertiliser le sol natal -, en ces temps d'urgence et de nécessité, l'entraînement de Mustafa ne dura que douze jours. Douze jours pour se préparer à intégrer les unités spéciales de combat. Douze jours au cours desquels il effectua très exactement vingt-quatre fois le parcours d'obstacles ; lança six fois de fausses grenades à travers un gros pneu à plus ou moins grande distance ; s'entraîna à tirer avec un fusil à air comprimé pour ne pas gaspiller de vraies balles ; et fut, au moins une fois, jeté au sol, roulé dans une couverture et passé à tabac par ses pairs pour avoir parlé dans son sommeil. Douze jours pour accomplir un nombre incalculable de pompes, de tractions, de sauts, de bonds et de roulades, enchaînés et répétés à l'infini, non pour le rendre plus fort, mais pour l'abrutir à tel point que le sergent instructeur puisse, le moment venu, lui inculquer le bien-fondé de la hiérarchie militaire et faire de lui un combattant efficace, trop terrifié pour désobéir - un soldat qui crèverait quand on lui dirait de crever.