Dans cette nouvelle qui retrace le parcours d'une nourrice sino-américaine, Yiyun Li aborde avec pudeur et finesse la problématique de l'immigration, de la maternité, de la dépression, et rejoint les lauréats du prestigieux Short Story Award du Sunday Times, au nombre desquels figurent notamment Junot Diaz et Anthony Doerr.
Cela faisait onze ans que Tante Mei travaillait comme nounou à domicile pour les nouveau-nés et leurs mères. Elle se fixait comme règle de quitter le foyer de la famille le jour où le bébé fêtait son premier mois, sauf û bien que cela arrivât rarement û si elle était entre deux engagements, ce qui ne durait jamais plus de quelques jours. Beaucoup de familles auraient été ravies de la payer pour une semaine, voire un mois de plus. Certaines lui proposaient même des engagements plus longs, mais elle déclinait toujours : son travail consistait à être la nounou du premier mois, dont les tâches, à l'égard de la mère comme de l'enfant, n'étaient pas les mêmes que celles d'une nounou normale. De temps à autre, d'anciens employeurs l'approchaient et lui demandaient de s'occuper de leur deuxième enfant. La perspective de retrouver un enfant qui avait été jadis un bébé dans ses bras lui donnait des insomnies. Elle n'acceptait que dans les cas de force majeure, et elle traitait les aînés comme s'ils n'existaient pas.
