Le personnage central amnésique, dont l'enquête sur lui-même sert de fil directeur à l'intrigue, est un vieux classique du polar. Ce principe est même à l'origine de l'une des séries les plus célèbres du 9ème art, XIII. Le scénariste Roger Seiter immerge d'emblée son lecteur dans cette problématique rendue explicite par son titre, pour ce qui constituera un thriller des fifty's en diptyque. Un homme aux allures de mafioso se réveille ensanglanté, un flingue et un cadavre à côté de lui, avec un Trou de mémoire de la taille d'une galaxie... il va lui falloir comprendre. Le principal de la narration est assuré par les pensées en voix off de Robert Wilson, alias peut-être Milton Gilford, alias sans doute celui que l'on surnomme le « Gila Monster », comme le radical lézard venimeux des déserts américains. Tandis qu'il reconstitue les éléments de son identité, deux autres fils narratifs secondaires nous sont proposés : l'enquête des autorités, sérieuse et prometteuse, et quelques palabres au sein d'une grosse famille mafieuse new-yorkaises. Petit à petit, les éléments se mettent en place et le lecteur reconstitue lui aussi le fil des événements... probables. Reste encore un tome entier pour faire jour sur toutes les zones d'ombre et, eut égard à l' oeuvre du scénariste, il y a fort à parier que les apparences s'avèreront trompeuses. L'autre gros point fort de ce diptyque vient du dessin original de Pascal Regnauld : d'obédience semi-réaliste, avec des trognes caricaturales à souhait, des décors soignés et une rythmique séquentielle offrant une immersion impeccable dans le contexte, l'artiste utilise une bichromie la plupart du temps noir-blanc-ocre, avec des clairs-obscurs ultimes. Ce parti-pris, ainsi que le ton de polar noir, rappelleront peut-être aux cinéphiles le film Sin city. Une comparaison avantageuse.