Voler. Au-dessus d'une mer tranquille de nuages, sous les chauds rayons du soleil. Puis fondre à travers les volutes diaphanes et fendre le ciel à toute vitesse pour venir raser les ondulations de l'océan, sentir l'écume glisser sur ses joues tandis que son corps frôle la crête des vagues, savourer les traces salées sur ses lèvres, apercevoir les falaises brunes de la côte au loin et s'en rapprocher avec un sentiment grisant de totale liberté. La frustration se manifesta brusquement, au moment où elle se réveilla pour constater que tout cela n'avait été qu'un rêve. Un doux songe. L'amertume fut d'autant plus forte qu'Ambre avait mal partout. Son dos était meurtri, des ecchymoses marquaient ses bras, et une douleur épouvantable vrillait son front. Ses jambes ne... Son coeur se serra dans sa poitrine. Ses jambes étaient insensibles, elles. Depuis l'accident sur le Vaisseau-Vie. Ambre retint les larmes qui montaient. Elle pouvait encore se déplacer, en usant d'une petite partie de son altération, pour se porter, mais cela la fatiguait plus vite, et ce n'était pas pareil, ce n'était plus naturel. Elle ne sentait plus du tout ses jambes. Aucune sensation, aucun picotement ni contraction musculaire. Rien. Sa pensée s'organisait. Elle réalisa soudain qu'elle ne savait même pas où elle se trouvait. Son dernier souvenir... le Vaisseau-Vie en feu ! Sa destruction ! Matt, Tania et Chen serrés contre elle, puis la chute au milieu des milliers de débris en flammes, des dizaines de mètres à pleine vitesse avant de s'écraser dans l'eau glaciale. La bulle de protection. Ambre avait créé une enveloppe avec l'énergie du Coeur de la Terre, pour les protéger. Tobias ! Elle se remémora la cabine ravagée par le brasier. Il n'avait pas survécu. Puis plus rien. Elle ouvrit les yeux avec difficulté. Il faisait sombre. Plusieurs taches de lumière oscillaient. Des bougies. Et puis une odeur acre comme celle de la sueur, ce qui lui en rappela une autre. L'odeur du gymnase pas aéré. Une vie presque oubliée tant elle semblait lointaine désormais. Son coeur se serra à nouveau. Elle grimaça. Elle avait vraiment mal partout. Ses vêtements étaient secs. Il s'était donc écoulé pas mal de temps depuis le naufrage. Autour d'elle, dans la pièce, des murs de pierre noire, de vieilles poutres vermoulues loin, très haut au-dessus d'elle. Ses doigts palpèrent ce qui la soutenait. Du bois. Une table ? Elle voulut se redresser mais sentit la morsure d'entraves autour de ses poignets. Qu'est-ce que c'est que ça ? Où suis-je ? Ambre leva la tête, paniquée à l'idée d'être prisonnière des Ozdults. L'avaient-ils repêchée parmi les débris ou trouvée sur la plage, inconsciente ?